30 jours - lettre d'information - avril 2024
SOMMAIRE
1. Gestion de la paie
- Barèmes sociaux : évolution au 1er avril 2024
- Avantages accordés aux salariés d’autres employeurs et redressement URSSAF
- Lorsqu’une différence de rémunération de 10 centimes constitue une discrimination
salariale - Impact du changement d’heure sur la gestion du personnel travaillant de nuit
2. Gestion du personnel
- Congés payés et Arrêts maladie : projet d’amendement
- Compte professionnel de prévention : actualités sur la demande d’utilisation des points par le salarié
- Diffusion du bulletin de paie d’un salarié : une atteinte à la vie privée à indemniser
3. Rappel de certaines obligations légales
1. La gestion de la paie
BAREME SOCIAUX : EVOLUTION AU 1ER AVRIL 2024
Au 31 mars 2024, les montants des franchises médicales passent :
-> De 0,50 € à 1 € par boîte de médicaments ;
->De 0,5 € dans la limite de 2 € par jour à 1 € dans la limite de 4 € par jour par acte paramédical ;
-> De 2 € dans la limite de 4 € par jour à 4 € dans la limite de 8 € par jour par transport sanitaire.
À noter : La participation forfaitaire passera prochainement de 1 € à 2 € pour chaque consultation médicale ou acte médical (ex : acte de radiologie ou de biologie médicale). Une décision de l'Assurance maladie viendra confirmer la date.
-> Les prestations sociales sont revalorisées de 4,6 %.
La prime d’activité, les allocations familiales, le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation aux adultes handicapés (AAH), sont concernés.
Voir lien ci-dessous avec le détail des montants :
https://solidarites.gouv.fr/revalorisation-des-prestations-sociales-au-1er-avril-2024
-> Le montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA) pour une personne seule sans enfant passe de 607,75 € à 635,71 €.
->Le montant forfaitaire pour une personne seule sans enfant de la prime d’activité passe de 595,2 € à 622,63 €.
-> Suppression généralisée du bonus-malus Agirc-Arrco.
Le malus est totalement supprimé, tandis que le bonus est maintenu pour les personnes nées avant le 1er septembre 1961.
AVANTAGES ACCORDES AUX SALARIES D’AUTRES EMPLOYEURS ET REDRESSEMENT URSSAF
Il arrive que des salariés perçoivent, en raison de leur activité professionnelle, des sommes ou avantage accordés par d'autres entreprises que leur employeur (cadeaux, bons d'achat …), par exemple pour récompenser la réalisation d'objectifs commerciaux.
Ces sommes et avantages sont considérés comme rémunération dès lors que (c. séc. soc. art. L. 242-1-4) :
- la somme ou l'avantage est accordé au salarié par une personne qui n'est pas son
employeur ; - le versement est la contrepartie d'une activité exercée dans l'intérêt de cette personne.
La forme et le mode de paiement de ces avantages importent peu (ex.: avantages en argent, en nature, coffrets cadeau, le cas échéant dématérialisés).
L'entreprise qui octroie la somme ou l'avantage est redevable de cotisations.
Dans une affaire jugée le 30 novembre 2023, une société avait été redressée à la suite d’un contrôle URSSAF.
Dans le cadre d'un programme de fidélisation de ses entreprises clientes, la société offrait des voyages d'agrément financés par des points cadeaux attribués en fonction d'un chiffre d'affaires minimum défini annuellement comme devant être réalisé par le client. Les entreprises clientes qui souscrivaient au programme désignaient les personnes physiques attributaires des avantages alloués. C'est sur les sommes relatives à ces voyages que la société avait été redressée, et qu'elle contestait.
La Cour de cassation approuve le jugement de la Cour d’appel et valide donc le redressement, rappelant notamment que l'attribution des avantages cadeaux visait, au travers de sociétés clientes, des personnes physiques salariées qui recevaient le bénéfice desdits avantages d'une personne tierce à leur employeur.
La Cour rappelle que la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel minimum par le client était une condition du bénéfice des avantages, ce qui permettait à la société cotisante d'augmenter son chiffre d'affaires et incitait ses clients à prescrire les produits qu'elle commercialise dans leur entourage professionnel. Les salariés des entreprises clientes accomplissaient ainsi une activité dans l'intérêt de la cotisante, qui n'est pas leur employeur.
De ces constatations, la Cour d'appel en a donc exactement déduit que les avantages directement octroyés par la société cotisante à des salariés ou des personnes assimilées à des salariés de sociétés tierces, en contrepartie d'une activité accomplie dans son intérêt, devaient être soumis à cotisations et contributions sociales.
Cass. civ., 2e ch., 30 novembre 2023, n° 22-10671
LORSQU’UNE DIFFERENCE DE REMUNERATION DE 10 CENTIMES CONSTITUE UNE DISCRIMINATION SALARIALE
Dans une affaire du 14 février 2024, la Cour de cassation a dû examiner le dossier d’un salarié qui invoquait une discrimination salariale fondée sur sa situation de handicap. L’écart de rémunération en question était de 10 centimes par heure.
L'employeur avait justifié la différence de traitement entre les deux salariés par le fait que le salarié payé 10 centimes de plus avait la qualité de référent technique pour le pilotage des bobineuses, et pas le salarié s'estimant discriminé.
De son côté la Cour d'appel a estimé que l'employeur ne prouvait pas que le salarié avait réellement la qualité de référent qui justifierait la différence de traitement (aucune fiche de poste ne justifiait la qualité de référent ; des salariés tiers témoignaient que jamais la société n’avait fait référence à la position de référent au sein de l’équipe).
La Cour de cassation est venue confirmer la position de la Cour d’appel.
Ici, le salarié a constaté que sa rémunération était inférieure à celle de son collègue de travail accomplissant le même travail, faisant ainsi ressortir que cet élément laissait présumer l'existence d'une discrimination fondée sur sa qualité de travailleur handicapé.
En principe, le salarié a simplement besoin d'avancer des éléments laissant supposer
une discrimination. C'est ensuite à l'employeur de s'expliquer sur l'écart de rémunération.
A noter que par exception, la jurisprudence considère que certaines différences de traitement sont présumées justifiées si elles sont prévues par des accords collectifs conclus avec des syndicats représentatifs : disparités de traitement entre des salariés appartenant à des catégories professionnelles différentes, entre des salariés exerçant des fonctions différentes au sein d'une même catégorie professionnelle etc.
Dans ces hypothèses, c'est au salarié qui conteste la différence de traitement de
démontrer qu'elle est étrangère à toute considération de nature professionnel.
Cass. soc. 14 février 2024, n° 22-10513 D
IMPACT DU CHANGEMENT D’HEURE SUR LA GESTION DU PERSONNEL TRAVAILLANT DE NUIT
Nous avons changé d’heure dans la nuit du 30 au 31 mars 2024.
Mais que dit la réglementation concernant l’impact du changement d’heures pour celles et ceux travaillant de nuit ?
La seule source juridique est la Réponse ministérielle à question écrite n° 32310 ( M.
Andrieux ) (JO Débats AN du 10 décembre 1976 , p. 9198) :
« Dans l'hypothèse où les variations de l'heure légale ont conduit à faire accomplir à un travailleur occupé en service continu une heure supplémentaire de travail, il est conforme à la loi que cette heure lui soit payée, compte tenu, s'il y a lieu, de la majoration prévue par l'article L. 212-5 du code du travail.
Elle peut, en outre, éventuellement ouvrir droit à repos compensateur dans les conditions prévues par l'article L. 212-5-1 du même code.
Réciproquement, lorsque les variations susvisées ont réduit d'une heure le poste d'un salarié, l'employeur est fondé à exercer sur la rémunération une retenue correspondante.
Aucune disposition législative ne permet de réserver à cette heure un sort particulier dans le cas où elle a eu pour effet de prolonger l'horaire du travailleur. Seules les dispositions de droit commun sont applicables. »
Source : Éditions Législatives
AINSI :
-> Si le passage de l'heure d'été à l'heure d'hiver entraîne pour les salariés en poste l'accomplissement d'une heure de travail supplémentaire, celle-ci doit être rémunérée comme telle.
-> A contrario, si le passage de l'heure d’hiver à l'heure d’été entraîne pour les salariés en activité l'accomplissement d'une heure de travail en moins, une retenue sur salaire correspondante peut être réalisée.
2. La gestion du personnel
CONGES PAYES ET ARRETS MALADIE : PROJET D’AMENDEMENT
L’amendement qui va être soumis à l’Assemblée nationale à la suite des décisions de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 a été publié.
Les points clés sont conformes à ceux qui ont été annoncés :
- Les arrêts maladie non professionnelle permettraient d’acquérir des congés, dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence ;
- La limite d’un an pendant lequel un salarié en arrêt pour AT/MP peut acquérir des congés payés serait supprimée ;
- L’entreprise devrait, dans les 10 jours suivants son retour, informer le salarié du nombre de jours de congé acquis et du délai qu’il aurait pour prendre ses congés ;
- La période de report serait fixée à 15 mois, à compter de la date à laquelle l’information a été donnée par l’employeur ;
- Ces nouvelles règles s’appliqueraient depuis le 1er décembre 2009 ;
- La loi fixerait un délai de 2 ans à compter de sa publication au cours duquel un salarié en poste pourrait réclamer des congés qui auraient dû être acquis pendant ses arrêts de travail depuis le 1er décembre 2009 ;
- Pour les contrats déjà rompus lors de l’entrée en vigueur de la loi, les salariés pourront agir uniquement si le délai de trois ans de prescription des salaires n’est pas prescrit.
Les parlementaires viendront probablement modifier et/ou compléter ces dispositions.
Amendement n°44 du 15 mars 2024.
COMPTE PROFESSIONNEL DE PREVENTION : ACTUALITES SUR LA DEMANDE D’UTILISATION DES POINTS PAR LE SALARIE
Le salarié titulaire d'un compte professionnel de prévention (C2P) peut l'utiliser pour financer une formation, un complément de salaire dans le cadre d'une réduction du temps de travail, une majoration de sa durée d'assurance retraite et, nouveauté issue de la loi Retraites de 2023, un projet de reconversion professionnelle.
En conséquence, l'arrêté de 2015 qui fixe les modalités à suivre par le salarié pour sa demande d'utilisation de points inscrits sur son C2P a été modifié par un arrêté publié le 2 mars 2024 pour intégrer les nouvelles dispositions issues de la loi Retraites.
Cette modification institue donc un 4e moyen d’utilisation du C2P, le financement d’un projet de reconversion professionnelle.
Les formulaires Cerfa disponibles sur le site du C2P ont également été mis à jour.
La demande d'utilisation des points inscrits sur le C2P doit comporter les mentions récapitulées dans le tableau ci-dessous, pour chacune des 4 utilisations possibles du C2P :
Utilisation du C2P |
Mentions spécifiques |
Mentions communes |
N° de CERFA |
Action de formation |
Intitulé de la formation professionnelle souhaitée |
- Modalités d’identification : nom, prénom, NIR, date de naissance, adresse postale - Nombre de points que le salarié souhaite utiliser |
Cerfa 15519*05 |
Projet de reconversion |
- N° du dossier communiqué par la CPIR compétente (AT pro) - Notificationde la décision de prise en charge du projet de reconversionincluant le nombre de points du C2P à mobiliser |
Cerfa 16311*01 |
|
Réduction du temps de travail |
- Numéro d’identifiant de l’employeur au SIRET, nom et adresse de l’établissement correspondant - Durée de travail souhaitée, durée de travail actuelle et durée de travail applicable à l’entreprise |
Cerfa 15512*05 |
|
Majoration de durée d’assurance retraite |
- |
Cerfa 15511*03 |
Le salarié peut formuler sa demande d'utilisation de points directement sur le site internet du C2P, ou par courrier en utilisant le formulaire Cerfa dédié, également disponible sur le site internet du C2P (www.compteprofessionnelprevention.fr)
Arrêtés du 2 février 2024, modifiant l'arrêté du 30 décembre 2015
JO du 2 mars, textes 6 et 7,
DIFFUSION DU BULLETIN DE PAIE D’UN SALARIE : UNE ATTEINTE A LA VIE PRIVEE A INDEMNISER.
Dans un arrêt du 20 mars 2024, la Cour de cassation est venue rappeler le principe selon lequel un salarié peut réclamer des dommages et intérêts à son employeur sans avoir à prouver l’existence d’un préjudice, en cas d’atteinte à sa vie privée.
Il s’agissait ici d’un délégué syndical dont le bulletin de paie avait été dévoilé dans le tract d’un syndicat concurrent.
Le bulletin de paie est un document contenant des informations privées, le diffuser constitue alors une atteinte à la vie privée du salarié concerné.
Dans cette affaire, la Cour de cassation est venue rappeler que selon l’article 9 du code civil, la seule constatation de l’atteinte à la vie privée du salarié ouvre droit à réparation.
Il n’y avait donc pour le salarié pas lieu d’établir un préjudice pour obtenir réparation.
Cass. soc. 20 mars 2024, n°22-19.153
3. Rappel de certaines dispositions légales
BULLETIN DE PAIE DÉMATERIALISÉ : LES DÉLAIS PRÉALABLES
L’employeur qui le souhaite peut remettre le bulletin de paye sous forme électronique, sauf opposition individuelle du salarié.
L’employeur doit en informer chaque salarié, par tout moyen donnant une date certaine, au moins un mois avant la première dématérialisation, de son droit de s’y opposer.
Le salarié peut manifester son opposition à la dématérialisation à tout moment, y compris après la première remise d’un bulletin de paye dématérialisé.
La remise du bulletin de paye électronique doit avoir lieu dans des conditions garantissant l’intégrité et la confidentialité des données, ainsi que leur conservation pendant une durée de 50 ans ou jusqu’à ce que le salarié atteigne l’âge de 75 ans.
Articles L. 3243-2 et D. 3243-7 du Code du travail
MISE EN PLACE DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE DE L’IMPÔT SUR LE REVENU
Au titre du prélèvement de l’impôt à la source, le bulletin de paye doit mentionner quatre informations :
- L’assiette, le taux et le montant de la retenue à la source opérée au titre du prélèvement à la source ;
- La somme qui aurait été versée au salarié en l’absence de retenue à la source (à distinguer de la somme effectivement versée après retenue à la source).
La rubrique « Net à payer avant impôt sur le revenu » doit être affichée dans une police de caractère au moins 1,5 fois plus grande que celle utilisée pour les autres lignes du bulletin de paye.
Loi 2016-1917 du 29 décembre 2016, JO du 30 ; loi 2017-1775 du 28 décembre 2017, JO du 29
MISE EN PLACE D’UNE PRÉVOYANCE « ASSURANCE DÉCÈS »
L’employeur doit obligatoirement assurer les cadres au titre du risque décès, quels que soient leur âge et le montant de leur rémunération.
L’assurance décès est financée par une cotisation mensuelle à la charge exclusive de l’employeur.
En cas de non-respect de l’obligation d’assurance, si le salarié décède, l’employeur doit verser un capital égal à 3 fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale.
De plus, certaines conventions collectives prévoient aussi l’obligation de mettre en place un régime de prévoyance pour les non-cadres.
Convention AGIRC du 14 mars 1947
MISE EN PLACE D’UNE PRÉVOYANCE « FRAIS DE SANTÉ »
Depuis le 1er janvier 2016, les salariés doivent tous avoir accès à « une couverture santé » collective et obligatoire proposée par leurs entreprises (prévoyant le remboursement de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident).
Tous les employeurs sont concernés, quel que soit leur effectif.
Les salariés sont tenus d’adhérer à la mutuelle d’entreprise, sauf s’ils bénéficient d’un des cas de dispense énumérés par la loi ou l’acte régissant la mutuelle dans l’entreprise :
- Les salariés employés avant la mise en place d'une couverture complémentaire santé par DUE (Décision Unilatérale de l'Employeur) financée pour partie par le salarié (Loi EVIN).
- Les salariés en CDD ou en contrat de mission, dont la durée de la couverture collective obligatoire santé est inférieure à trois mois.
- Les salariés bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou de l’aide à la complémentaire santé (ACS). La dispense ne joue que jusqu’à la date à laquelle les salariés cessent de bénéficier de l’un ou l’autre dispositif.
- Les salariés couverts par une assurance individuelle « frais de santé » au moment de la mise en place du régime collectif et obligatoire ou lors de l’embauche si elle est postérieure. La dispense s’applique jusqu’à l’échéance du contrat individuel.
- Les salariés déjà couverts (y compris en tant qu’ayants droit) qui bénéficient, pour les mêmes risques, de prestations servies au titre d’un autre emploi dans le cadre : d’un dispositif collectif et obligatoire.
D’autres cas de dispense doivent être insérés dans l’acte juridique pour être valables :
- Les salariés et apprentis bénéficiaires d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de mission d'une durée inférieure à douze mois, même s'ils ne bénéficient pas d'une couverture individuelle souscrite par ailleurs;
- Les salariés et apprentis bénéficiaires d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de mission d'une durée au moins égale à douze mois à condition de justifier par écrit en produisant tous documents d'une couverture individuelle souscrite par ailleurs pour le même type de garanties ;
- Les salariés à temps partiel et apprentis dont l'adhésion au système de garanties les conduirait à s'acquitter d'une cotisation au moins égale à 10 % de leur rémunération brute ;
- Les salariés employés avant la mise en place d'une couverture complémentaire santé par DUE financée intégralement par l’employeur
Loi n°2013-504 du 14 juin 2013, JO du 16 ; c. séc. soc. art. L. 911-8
INSCRIPTION A UN SERVICE DE SANTÉ AU TRAVAIL
La surveillance de l’état de santé des salariés s’effectue dans le cadre de visites médicales obligatoires assurées par le Service de Santé au Travail (visites d’embauche, visites périodiques, visites de reprise) auprès duquel l’entreprise doit s’affilier.
Le site www.presanse.fr recense les coordonnées des différents services de santé au travail.
Code trav. art. L. 4624-1, R. 4624-10 à R. 4624-28, R. 4624-31 à R. 4624-33